L’alternance ? Une filière d’excellence !

L’alternance ? Une filière d’excellence !

« Carte Blanche » d’Olivier de Wasseige parue dans « La Libre Belgique » du 15 mars 2021

Le constat est sur toutes les lèvres depuis des années. L’alternance chez les jeunes tout comme l’ensemble des filières qualifiantes (enseignements technique et professionnel) sont encore trop souvent considérées comme des filières de relégation plutôt que comme des filières d’excellence. « Si tu continues à avoir des échecs, tu iras en professionnel ou en technique ». « Votre enfant ne peut rester dans l’enseignement général, il doit envisager d’autres options telles que l’enseignement technique ou professionnel ». Quelle erreur en termes d’image et de choix positif ! Des jeunes, mal réorientés, arrivent alors démotivés dans des entreprises (en stage ou dans un job), dans un monde du travail exigeant, et la confrontation est souvent rude.

Comment remédier à cela ? Comment saisir le momentum qu’on sent poindre actuellement chez de nombreux acteurs et dans le monde politique pour entamer (et espérons-le finaliser rapidement) une vraie réforme, en commençant par celle de l’alternance ? Comment faire de l’alternance une filière d’excellence, positive et efficiente ?

Conséquences d’un morcellement

Une partie du problème se trouve dans un fonctionnement du service au public basé sur une logique orientée organismes plutôt que parcours pour usagers : les jeunes et leurs aspirations professionnelles, les entreprises et leurs recherches de compétences. Cette logique transforme la formation en un véritable labyrinthe constitué de culs-de-sac, de marches arrière et de nombreux détours.

Le morcellement du paysage de la formation complique la tâche des usagers. Pour les entreprises, ce sont la multiplication des types de contrats avec des réglementations différentes, les critères d’accueil différents, les incitants financiers présents ou non, et un déploiement d’énergie considérable à rechercher des stagiaires (démultiplications des contacts avec les écoles, centres, petites annonces, plateformes diverses). Pour les jeunes, avec l’éclatement de la formation entre Fédération Wallonie-Bruxelles et Région wallonne, on peut craindre que des considérations budgétaires priment sur les questions de fond (orientation dans une filière qualifiante ou d’alternance communautaire – les Cefa – plutôt que vers l’alternance régionale – l’IFAPME pour conserver l’élève, et donc le financement). L’éclatement entraîne aussi la non-équivalence des certifications et complexifie l’ensemble du parcours professionnel (il est par exemple très difficile, en sortant de l’IFAPME, de réintégrer l’enseignement).

Mais ce morcellement a de graves conséquences opérationnelles et financières: la dissémination des moyens et donc des centres et des écoles sous équipés, une concurrence entre opérateurs dans une même ville pour une même filière, des filières à moitié vides, etc.

Ce pour quoi nous plaidons

Pour ces raisons, l’Union wallonne des entreprises plaide pour :

  • une optimalisation du paysage institutionnel ;
  • un renforcement des formations en entreprise ;
  • un renforcement de la cohérence entre l’offre de formation et les besoins (actuels et futurs) du marché du travail au sein de chaque bassin géographique;
  • une certification professionnelle unique ayant les mêmes droits, donnant notamment accès vers l’enseignement supérieur (logique de parcours et d’apprentissage tout au long de la vie);
  • une orientation positive forte en amont reposant sur une collaboration entre les écoles et les dispositifs d’information tels que les cités des métiers, ainsi qu’une collaboration entre l’enseignement et les opérateurs de formation tels que l’IFAPME ou les centres de compétence.

Pour ce faire, il est nécessaire de capitaliser sur les chantiers du Pacte d’excellence (orientation positive, enseignement qualifiant comme filière d’excellence), sur l’expertise d’opérateurs régionaux tels que l’IFAPME, et enfin sur des modèles innovants tels que la formation triale (écoles, centres de compétences/centres IFAPME, entreprises).

Les chemins pour y arriver

Comment y arriver ? Plusieurs scénarios peuvent être envisagés, ayant pour double objectif d’obtenir un pilotage commun de l’alternance et de définir une véritable stratégie politique commune, régionale et communautaire, pour mener les politiques de formation et d’enseignement, afin de répondre aux défis en matière de résilience et de développement économique de la Wallonie. Nous en listons trois :

  • un quasi-statu quo avec le renforcement des collaborations par pilotage unique de l’ensemble des filières de l’alternance ;
  • une gestion régionale unique de l’alternance ;
  • une réforme institutionnelle profonde avec tout l’enseignement sous la responsabilité d’un seul gouvernement.

Quel que soit le scénario envisagé, il devra s’axer sur le parcours du jeune, garantir l’équivalence des certifications, et assurer qualité, résilience et efficience du système.

Ce n’est pas au monde des entreprises de décider, c’est au monde politique. Mais, dans l’intérêt de tous, il est grand temps de décider cette réforme, afin qu’elle soit irréversiblement entamée avant la fin de la législature. Tout le monde y gagnera !

A propos de l'auteur

Thierry Decloux

Graphic Designer & Webmaster