Le tissu économique régional a subi et subit encore de plein fouet une crise sans précédent. Des mesures ont été prises par les autorités régionale et fédérale pour limiter tant que faire se peut les impacts conséquents de la pandémie sur les activités des entrepreneurs et l’emploi de leur personnel. Tout le monde sait toutefois que ces mesures ne suffiront pas et que les dégâts du virus seront hélas durables pour de nombreuses entreprises et l’emploi de nombreux travailleurs.
L’Union Wallonne des Entreprises (UWE) soutient depuis longtemps l’impérieuse nécessité de vastes réformes en Wallonie afin que notre région puisse redevenir une région performante, attractive, fière de son tissu socio-économique et de ses institutions, où il fait bon vivre et où l’on répond aux grands défis de notre temps de manière constructive, en étant convaincu que l’on peut être volontaire en la matière tout en assurant un climat économique porteur et profitable.
Pour l’UWE, la crise n’a pas mis ce besoin de côté, bien au contraire. Elle l’a accentué et rendu plus nécessaire que jamais.
Ces réformes structurelles doivent être engagées via un vaste Plan de Redéploiement auquel l’UWE apportera sa contribution à la rentrée de septembre sous forme de recommandations issues du monde patronal wallon, compilées à la suite d’un important travail d’analyse et de formulation de mesures ayant mobilisé un nombre conséquent d’entrepreneurs.
D’ici là, la Wallonie ne peut attendre. De nouvelles mesures doivent être lancées, amorcées, décrétées, mises en œuvre…dans les prochains jours, prochaines semaines. Ces mesures doivent soutenir la relance de notre économie marchande et mettre la région sur les rails de son redéploiement.
Les mesures présentées ici par l’UWE ne constituent pas un Plan mais un faisceau de leviers pouvant être activés à court terme, et devant assurer et poursuivre la remise en marche de notre tissu économique régional au bénéfice de ses entrepreneurs, des travailleurs et de l’ensemble de la société wallonne.
Renforcer l’action des outils financiers régionaux
Nombre d’entreprises ont dû s’endetter pendant le confinement (et bon nombre continuent à le faire) pour pallier à leurs problèmes de liquidités. Leur situation financière restera globalement précaire dans les prochains mois et années, nécessitant un maintien et un renforcement des moyens d’action des outils financiers régionaux, en prenant soin d’objectiver la viabilité financière à long terme des entreprises soutenues, de même que leur positionnement par rapport à la stratégie de spécialisation régionale, lors de l’examen des dossiers.
- Un renforcement des mécanismes de garantie et des moyens mis à disposition des Invests régionaux par la Sowalfin, un allongement dans le temps (3 à 6 ans comme dans les pays voisins) des échéances, garanties et refinancement, une plus grande souplesse au niveau des exigences de la SOGEPA en termes de collatéraux ainsi que des interventions en prêts subordonnés seront nécessaires.
Mobiliser l’épargne des Wallons
Pour faire face aux problèmes de solvabilité que rencontrent ou vont rencontrer les entreprises de la région, une recapitalisation ou des prêts (subordonnés) financés par la mobilisation de l’épargne des Wallons seraient intéressants.
- Ce mécanisme pourrait être envisagé dans le cadre d’une défiscalisation partielle ou via un système de garantie du capital investi. Les Invests régionaux pourraient jouer un rôle dans la sélection et le traitement des dossiers, avec pour objectif de financer des entreprises ayant un potentiel économique à long terme ou rentrant dans le cadre de la stratégie de spécialisation intelligente de la Région.
Assurer la reprise de la chaine de paiement
Face aux incertitudes, nombre d’entreprises ont affiché une certaine prudence quant aux paiements de leurs fournisseurs. Une remise en route rapide des chaines de paiement est une véritable nécessité.
- Comme le proposait récemment Graydon[1], accorder un crédit d’impôt aux entreprises qui allongent les délais de paiement à leurs clients (professionnels) pourrait permettre de relancer et de fluidifier la chaine.
Assurer un coût de l’énergie compétitif
Malgré la récente baisse des coûts de l’énergie, cette charge représente toujours un handicap réel à la compétitivité de nombreuses entreprises.
- Définir un tarif industriel “Energie” et un cadre réglementaire stable pour garantir la compétitivité des entreprises wallonnes par rapport à leurs voisins et pour augmenter l’attractivité de la Wallonie.
- Octroyer aux entreprises la totalité du montant prévu par les règles européennes de compensation des émissions indirectes pour 2019 et 2020.
[1] Il s’agirait d’encourager les sociétés bien portantes à accorder des délais de paiement allongés aux sociétés en difficulté. Passer par exemple de 30 à 90 jours pour régler leurs dépenses. En échange de ce rabiot de 60 jours, les premières obtiendraient un incitant fiscal, égal à ce qu’elles toucheraient pour prêter cet argent sur la même période. Cela ne coûterait quasi rien à l’État et cela pourrait sauver une grande partie des entreprises actuellement sur le fil du rasoir. Outre l’avantage fiscal, les entreprises saines y gagneraient aussi sur deux autres plans: elles contribueraient au maintien de clients solvables et elles renforceraient leur loyauté envers elles. [Source : www.lecho.be]
La crise du Coronavirus risque, si on ne fait rien, de laisser des séquelles durables sur l’emploi et un accroissement du chômage est attendu. Ceci ne doit pas être une fatalité. L’impact de la crise varie en fonction de l’activité économique, de la filière, de l’entreprise. Les opérateurs de l’emploi et de la formation doivent donc faire preuve d’agilité pour orienter et former les personnes arrivant sur le marché de l’emploi, afin de les réinsérer rapidement sur le marché du travail en misant sur les filières et fonctions porteuses.
Majorer les aides à l’emploi et à la formation
Afin d’assurer la survie des entreprises, et en attendant la mise en œuvre (en discussion) de la réforme des aides à l’emploi et à la formation, il est indispensable de booster les dispositifs actuels. Suivant l’analyse des possibilités au niveau des règles budgétaires, il est pertinent d’utiliser le budget qui n’est pas consommé à cause du ralentissement de l’économie en doublant les montants prévus pour chacune des aides. De plus, il faut suivre l’exemple de la Communauté germanophone et non seulement majorer les montants mais octroyer une prolongation de 6 mois dans la durée des aides. Il ne faut pas perdre de vue que les emplois concernés par ces aides sont justement ceux de publics-cibles précaires sur le marché du travail (jeunes, travailleurs plus âgés, personnes peu qualifiées), ou venant d’employeurs qui embauchent leurs premiers salariés.
Mieux orienter
Le Forem doit mobiliser les ressources dont il dispose afin d’orienter rapidement les demandeurs d’emploi vers les fonctions et filières porteuses.
Le Forem dispose de nombreux points et actions d’information (essais métiers, mardi de l’avenir, etc.) par le biais de ses centres, des centres de compétences, des carrefours emploi-formation et de son réseau de partenaires marchands et non-marchands. Les demandeurs d’emploi doivent directement être pris en charge et informés des filières et fonctions porteuses et des formations menant vers ces offres. Une mobilisation ciblée de ces dispositifs en présentiel et en virtuel est primordiale avec une jonction rapide vers les dispositifs de screening adaptés aux métiers (bilans de compétences, tests sur les savoir-faire comportementaux, titres de compétences, etc.).
L’UWE prône la mise en place d’une collaboration effective entre les cellules de reconversion et les opérateurs de formation (centres de compétences et opérateurs privés). Cette collaboration pourrait revêtir différentes formes en fonction des spécificités de la cellule, des profils des travailleurs et des missions de l’opérateur : soutien à l’orientation (ex. essai métier, mardi de l’avenir), reconnaissance des compétences (centres agréés pour la validation des compétences). Cela permettrait de diriger les personnes vers les formations adéquates eu égard à leur profil, à leur projet individuel et aux besoins du bassin socio-économique.
Mieux former
Les objectifs sont ambitieux. Le gouvernement fédéral, dans son troisième volet du plan fédéral de protection sociale et économique, préconise 2 jours de formation par mois pour les personnes en chômage « corona ». En partant de l’estimation de 150.000 déclarations pour chômage temporaire en juin 2020, cela représenterait 300.000 jours de formation et cela sans compter le flux des demandeurs d’emplois estimé à 206.771 en mai 2020 (chiffre de la Banque Nationale de Belgique).
Dans un contexte économique concurrentiel, l’UWE plaide pour que l’allocation du budget Forem soit consacrée à un plan de formation pour le second semestre 2020. Ce plan doit garantir le maintien de l’affectation de ces moyens à un effort supplémentaire de formation des salariés et des demandeurs d’emploi, en veillant impérativement à ce que l’orientation du budget formation soit ciblée vers les besoins immédiats et ainsi allouer aux centres de compétences, opérateurs privés, etc. les moyens nécessaires pour répondre à l’urgence socio-économique. Le demandeur d’emploi doit pouvoir rapidement avoir accès à la formation. Un engagement du Forem à allouer les moyens sur un plan de formation agile, rapidement mobilisable et répondant aux besoins immédiats est donc nécessaire (mobilisation de l’offre de formation du Forem, des centres de compétences et sous-traitance aux opérateurs privés).
Le digital au cœur de la montée en compétence
La crise sanitaire et le confinement ont exacerbé les constats existants sur la fracture numérique dans ses aspects socioéconomiques (cf. étude Be the Change). Parallèlement, le digital s’est montré un vecteur de maintien et de déploiements des activités dans un contexte jusque-là jamais rencontré. Les entreprises ont dû accélérer la digitalisation de leur mode d’organisation, de production, de communication, de service et de management.
Les opérateurs de formation et d’enseignement quant à eux ont dû rapidement s’adapter afin de proposer des modes d’acquisition des compétences dans un contexte d’urgence.
A cet égard, l’UWE plaide pour :
- Un accès gratuit et accessible à tous (demandeurs d’emploi et travailleurs) durant la période d’été à un catalogue élargi de formations digitales incluant les nouveaux modes d’apprentissages et mettant à contribution les opérateurs de la formation pour adultes (y compris établissements d’enseignement supérieur et opérateurs de formation wallons).
- Une reconnaissance rapide et simplifiée des modules dispensés en e-learning de tous les modèles préalablement reconnus en présentiel, et ce pour la seule durée de la crise Corona, afin de permettre la poursuite des formations et la continuité des dispositifs (chèques-formation, crédit-adaptation, congé-éducation payé, …).
Dans le contexte actuel, une relance rapide des programmes de recherche est nécessaire afin de permettre la poursuite de la dynamique d’innovation en Wallonie et de permettre à la Région de conserver ses avantages comparatifs en matière de R&D et d’innovation, singulièrement dans ses activités stratégiques. Pour ce faire, quelques préalables sont d’importance :
Simplifier et flexibiliser
L’UWE propose de simplifier et d’automatiser les demandes d’extension de projets R&D sans coût supplémentaire, et d’accorder de la flexibilité dans les reportings financiers concernant les aides reçues. Une plus grande flexibilité dans la réorientation des projets en cours est également nécessaire compte tenu du contexte.
Accorder des aides directes
L’UWE propose d’accorder des aides directes à la relance de la R&D, qu’elles soient liées ou non à des projets actuellement financés par la Région ou l’Europe, afin de réamorcer rapidement les processus de R&D au sein des entreprises. Ceci permettrait également de relancer certains projets de recherche qui, une fois interrompus, doivent être recommencés à zéro. Le risque de voir des projets de recherche wallons redémarrer à l’étranger est réel.
Mettre rapidement en œuvre le « passexport »
Prévue dans la DPR 2019-2024 (page 35), la mise en place d’un « passexport » permettrait aux entreprises bénéficiant d’un potentiel à l’exportation plus élevé de bénéficier d’un « fast-track » dans l’analyse de leur dossier sans pénaliser l’avancement des autres dossiers. Cette mesure pourrait être renforcée au travers d’un focus particulier sur les PME et d’une approche sectorielle axée sur les forces économiques de la région.
Cette mesure pourrait être concrétisée à court terme, dans le cadre du renforcement des aides aux entreprises exportatrices :
- Engagement de collaborateurs dédiés à l’export.
- Engagement de stagiaires dans le cadre d’un renforcement du Programme Explort.
Renforcer les mécanismes SOFINEX
Comme l’UWE le constatait déjà dans son Heptathlon 2024, les outils de la Sofinex ont montré toute leur efficacité, et il est donc nécessaire de réalimenter les lignes budgétaires afin de renforcer le dispositif et d’informer plus largement les entreprises de cet outil. Une plus grande synergie avec les mécanismes fédéraux en renforcerait également la portée économique.
Relancer rapidement les actions de l’AWEX dans une approche sectorielle
Afin de relancer au plus vite les démarches d’exportation des entreprises, une relance rapide des actions de l’AWEX est nécessaire, au travers d’une orientation sectorielle forte, plutôt que géographique. Un renforcement du pool d’experts sectoriels à l’AWEX est donc nécessaire, et doit être articulé avec la réalité de la structure économique de la Région, avec la garantie d’une concertation efficace avec les fédérations sectorielles concernées.
De plus, contrairement aux grandes entreprises qui disposent souvent des ressources nécessaires, les PME ont généralement besoin d’être soutenues et accompagnées dans leurs démarches d’exportation. Ceci pourrait se faire via le mécanisme des Chèques Entreprises ou via les CCI, dans le cadre d’une approche sectorielle pertinente. Un focus sur les opportunités offertes par l’e-commerce serait par ailleurs pertinent.
Relancer rapidement les missions économiques
Bien que le contexte soit encore fort incertain, une relance rapide de la dynamique positive insufflée par les missions économiques est nécessaire. Une présence plus importante de représentants officiels (notamment les ministres régionaux et fédéraux, …) dans les salons, couplée à des visites des clients clés de nos entreprises exportatrices ou encore à la visite de quartiers généraux d’entreprises ayant investi en Wallonie, en maximiserait les retombées économiques.
Appréhender les accords commerciaux comme des opportunités
Des accords commerciaux équilibrés sont de véritables opportunités de croissance pour les exportations régionales dans leur ensemble. Une petite économie ouverte, comme l’est la Wallonie, souffrirait singulièrement d’un renforcement des tendances protectionnistes (également pressenties au sein du marché unique). Une attitude ouverte et constructive de la Wallonie par rapport aux accords commerciaux actuellement négociés par l’Union européenne est donc une nécessité.