La 5G, une technologie au coeur des enjeux sociaux, économiques et industriels

La 5G, une technologie au coeur des enjeux sociaux, économiques et industriels

Cet article est basé sur une présentation du Rapport du GE5G par Olivier de Wasseige au Parlement de Wallonie, le 1er avril 2021

Préambule: un risque de saturation des réseaux 4G réel à court terme

Aujourd’hui, la demande est forte et croissante en données mobiles. Cela mène à un risque de saturation du réseau 4G à court terme. L’étude récente de l’IBPT concernant les risques de saturation des réseaux mobiles nous rappelle de manière très concrète les risques de saturation progressive des réseaux 4G dans trois grandes villes belges jusqu’en 2022.

On voit d’ailleurs que l’on a des situations contrastées entre Anvers, Liège et Bruxelles. Cette saturation peut notamment se traduire par des interruptions de communication, des chutes du débit de téléchargement ou une baisse de la qualité du streaming. Si les usages en matière de téléphonie mobile sont comparables entre les trois villes, l’explication de cette situation réside essentiellement dans des normes de rayonnement électromagnétique différentes entre les trois Régions belges, chacune compétente en ce qui concerne les normes d’émission.

La 5G est un véritable catalyseur technologique à fort potentiel sociétal

La 5G n’est pas juste une amélioration de la 4G. Elle est porteuse d’une révolution technologique d’une ampleur que l’on a encore peine à appréhender. Pour un certain nombre d’entreprises, on ne sait peut-être pas encore ce que l’on en fera demain, mais les applications viendront, c’est certain, comme au moment de l’émergence d’Internet. C’est un point important par rapport au courant d’idées relatif au fait qu’il n’y a pas d’utilité pour un certain nombre d’entreprises. Les améliorations seront notables et pourraient constituer un véritable levier de croissance au vu des applications qui seront rendues possible.

Ces trois éléments clés sont :

  • le débit ;
  • la latence (le temps de réaction) beaucoup plus faible – nous détaillerons plus tard en quoi celle-ci est extrêmement importante ;
  • la possibilité de condenser énormément d’objets connectés par kilomètre carré.

La technologie 5G a comme ambition de répondre tant aux évolutions des usages des consommateurs que d’offrir une plateforme technologique aux acteurs publics et privés afin de fournir des services et des solutions aux citoyens et aux acteurs économiques, qu’ils soient publics ou privés, confrontés aujourd’hui à des enjeux technologiques, sociaux, environnementaux et de légitimité complexes et ambitieux.

En ce sens, contrairement aux générations mobiles précédentes, la 5G doit être clairement comprise comme un catalyseur technologique. C’est ce que confirme d’ailleurs le rapport de l’OCDE réalisé en 2018 sur les technologies transformatives et les emplois de l’avenir. C’est en vue de la réunion des ministres de l’Innovation du G7 qu’un groupe d’experts, sous la direction de Gabriella Ramos, écrivait : « Certaines des évolutions les plus innovantes ne pourront se faire sans des réseaux 5G à faible latence, tandis que l’augmentation attendue des volumes de données générée par les véhicules autonomes utilisant ces réseaux nécessitera un réseau substantiel de lignes fixes en plus des lignes sans fil garantissant une liaison efficiente ».

La courbe d’adoption de l’innovation et les trains à ne pas (plus) manquer

Dès 1999, et l’apparition d’internet dans les entreprises, nombre d’entreprises ne voyaient aucune utilité à la création d’une adresse e-mail ou d’un site web, et encore moins à la vente en ligne. Au fur et à mesure des années, l’évolution des usages a prouvé bien évidemment toute la pertinence de leur appropriation. Ceci est parfaitement illustré par la courbe d’adoption de l’innovation. Si, à cette époque, par exemple dans le domaine du commerce électronique, les pouvoirs publics wallons avaient anticipé, pris les devants et mis en place les conditions et infrastructures nécessaires au déploiement et à l’adoption, par exemple en termes de logistique, de mutualisation, de portail de vente, et cetera, on n’aurait pas pris autant de retard dans le secteur du commerce électronique dans notre Région.

Cette lenteur d’adoption s’est également retrouvée dans d’autres applications numériques telles que l’e-learning (la formation à distance), où il a été laborieux de sensibiliser sur l’importance de ce sujet en Wallonie avant qu’il ne commence à être accepté par les premiers convaincus. Ne loupons donc pas aujourd’hui l’impact important de ce catalyseur technologique qu’est la 5G!

Comme on peut le voir sur le diagramme ci-dessous, il y a :

  • 2,5 % de précurseurs, qui sont les premiers adeptes, qui adhèrent sans avoir besoin de consulter ;
  • 13,5 % de visionnaires, qui aiment les innovations, qui donnent leurs opinions ;
  • 34 % de pragmatiques, qui attendent les retours des premières expériences avant d’adhérer à une nouveauté ;
  • 34 % de conservateurs, qui attendent que l’innovation soit déployée par un grand nombre de personnes : ils veulent des preuves de performance et sont très influencés par les premiers utilisateurs ;
  • 16 % de retardataires, qui sont les derniers à accepter une innovation : ils n’adhèrent aux innovations que quand celles-ci ont été testées et sont devenues courantes.

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Ce qui est frappant, c’est de regarder les deux premiers à gauche – les précurseurs, 2,5 %, et les visionnaires, 13,5 % – qui représentent seulement 16 %, qui sont faciles à convaincre et qui sont très vite sensibles à l’innovation. 84% attendent de se voir proposer des valeurs ajoutées concrètes en termes de valeurs d’usage, d’apports concrets dans l’utilisation, dans la fiabilité, la solidité, la durabilité, l’évolution significative par rapport aux premiers essais, les résultats tangibles, les preuves et le bouche-à-oreille positif. Comme pour toute technologique dite de rupture, le potentiel transformatif, l’adoption, mais aussi les véritables résultats qui y sont liés s’inscrivent dans le temps. Ainsi, à l’instar d’autres technologies auparavant, c’est par l’exemple que la 5G montrera son utilité et sera acceptable socialement au travers de la démonstration des progrès qu’elle permet et de l’utilité qu’elle présente.

Positionner enfin la Wallonie sur l’échiquier numérique et permettre aux villes d’être plus efficaces

Le baromètre 2020 de maturité numérique des entreprises réalisé par l’Agence du Numérique révèle que 30 % des entreprises sont toujours dans cette fracture numérique. Par ailleurs, comme toute technologie nécessitant des investissements importants en termes d’infrastructure, la maximisation des retombées de la 5G devrait s’inscrire dans le temps.

Afin de capter sur le territoire wallon les retombées, il convient donc pour les autorités publiques de mettre en place un environnement favorable à l’investissement, mais aussi à l’adoption des nouvelles pratiques. Il faut donc générer un écosystème favorable à la maximisation des retombées sociales et économiques de la technologie 5G. Ne refaisons pas l’erreur de trop tarder pour positionner la Wallonie sur cet échiquier numérique.

Les bienfaits de la 5G sont importants pour les pouvoirs publics et la population

La 5G va permettre l’avènement de la smart city, un concept qui ne date pas d’hier, mais que la 5G va pouvoir amplifier en rendant possible la mise en place de services plus efficaces pour la population : services de secours, mobilité multimodale, gestion intelligente des ressources, des équipements, des bâtiments, et cetera. Les solutions urbaines intelligentes appliquées à la gestion de la circulation automobile et des réseaux électriques pourraient à elles seules générer des bénéfices d’économie énormes en réduisant la consommation d’énergie, la congestion routière et le coût du carburant. Cela signifie que les temps de déplacement devraient diminuer, que la sécurité des citoyens s’améliorerait et que des gains d’efficacité importants seraient réalisés dans les réseaux intelligents. La 5G a la capacité d’aider les villes à faire plus avec le même budget.

L’illustration ci-dessous montre une vue globale des impacts des possibilités de la 5G pour les communes, dont par exemple:

  • À Santander, en Espagne, une ambulance équipée en 5G peut se déplacer librement en étant reliée à un réseau communiquant avec les feux de circulation.
  • À Copenhague, les cyclistes, les bus et les véhicules d’urgence sont prioritaires dans la circulation grâce à des capteurs situés le long de routes, avec un impact important sur la sécurité des cyclistes.
  • À Monaco, les pompiers envoient des drones équipés de caméras dans leurs interventions, reliés par 5G et reçoivent ainsi des images en haute définition pour guider les hommes sur place ; ce qui procure un précieux gain de temps et de sécurité.

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Un tas de villes, aujourd’hui, ont mis en place des réseaux de transport intelligents avec réduction de la congestion routière et de la pollution sonore et atmosphérique. Des énergies renouvelables sur le réseau sont facilement intégrées massivement grâce à l’amélioration de l’efficience des smart grids ; ce qui facilite la transition énergétique.

À côté des smart cities, n’oublions pas non plus le smart farming, la ferme intelligente. Que ce soit en termes de suivi de l’humidité des sols en temps réel, la gestion optimisée de l’irrigation et des intrants, le suivi du bétail, une meilleure caractérisation de l’état sanitaire des cultures entraînant une réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires. L’économie de la donnée est évidemment aussi un domaine extrêmement important, qu’il s’agisse d’open data ou de shared data, de données partagées. Il y a donc une attente des acteurs économiques et industriels importante. D’après une enquête du consultant Deloitte menée au début des années 2020 aux États-Unis, 76 % des interrogés estiment que l’intégration de la 5G dans leurs pratiques apparaît comme essentielle.

Accélérer la digitalisation et la réindustrialisation wallonnes

Il est nécessaire d’accélérer la digitalisation wallonne afin de maintenir et de renforcer l’industrialisation et la réindustrialisation de l’Europe et singulièrement de la Wallonie. Les entreprises manufacturières qui adopteront des robots de l’intelligence artificielle, des capteurs et une gamme de solutions Internet des objets industriels pour automatiser et surveiller la production auront besoin de la 5G. Dans de nombreux cas, ces outils dépendent d’une connectivité à faible latence pour les seuils de précision et les analyses en temps réel, ce qui nécessitera une infrastructure informatique de pointe qu’il s’agira d’adapter ou même de construire. La technologie 5G apparaît de plus en plus comme un accélérateur de l’industrie 4.0 qui est largement soutenue depuis plusieurs gouvernements en Wallonie, notamment au travers du plan Digital Wallonia, qu’il s’agisse de maintenance prédictive, d’usines reconfigurables, de réalité augmentée, de big data industrielles, de connectivité généralisée, de flotte de véhicules plus ou moins semi-intelligents et semi-guidés. Grâce à la 5G, ces nouveaux outils pourraient se généraliser dans les usines avec une efficacité, une facilité d’usage et une sécurité démultipliée. De nouveau, la 5G servira au niveau économique, et pas uniquement à ravitailler en bâtons de chocolat un distributeur de friandises, comme l’a dit un grand économiste dans la presse récemment.

Selon une étude menée par Capgemini au niveau mondial en 2019, 75 % des entreprises industrielles estiment que la 5G va être un catalyseur essentiel de leur transformation numérique au cours des cinq prochaines années. Parmi ces catalyseurs, la 5G apparaît en deuxième position derrière ce qu’on appelle le cloud computing, mais aussi devant – et c’est surtout cela l’élément important – de nombreux facteurs clés de succès tels que le machine learning, les ordinateurs qui apprennent d’eux-mêmes, et l’additive manufacturing.

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La 5G en tant que « plate-forme d’innovation ouverte » flexible soutenant des cas d’usage et des environnements intersectoriels

La 5G agit en tant que plateforme d’innovation ouverte, flexible, soutenant des cas d’usage et des environnements intersectoriels. Les réseaux bénéficiant de la 5G peuvent soutenir un large éventail d’innovations possibles dans différents secteurs industriels et de marchés qui peuvent être considérés collectivement comme une plateforme d’innovation ouverte et globale.

Concentrons-nous sur deux clusters :

  • le Smart Rural où la connectivité basée sur la 5G devrait permettre de fournir des bénéfices aux personnes et aux entreprises, en contribuant à maintenir la vie rurale et à faciliter le travail à distance;
  • les Services publics intelligents, qui devraient permettre d’améliorer la communication pour toute une série de services publics, ainsi que de nouvelles capacités et de nouveaux outils.

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Les retombées économiques de la 5G

Les retombées économiques de la 5G sont importantes : 113 milliards d’euros d’avantages économiques et sociétaux par an dans l’Union européenne, le potentiel de créer 36 300 emplois supplémentaires en Belgique et 3 milliards d’euros d’avantages économiques et sociétaux par an en Belgique.

Selon la GSMA (la fédération mondiale des opérateurs de télécommunications), d’ici 2025, la 5G représentera 20 % des connexions mondiales, avec une adoption particulière forte en Asie, en Amérique du Nord et en Europe. De la sorte, la 5G devrait améliorer la productivité dans l’économie. Cela se traduirait par une augmentation de 1 300 à 2 000 dollars du PIB par habitant, ce qui équivaut environ à 1 000 à 1 700 euros par habitant, durant la première décennie après le lancement de la 5G. A titre comparatif, le PIB moyen par habitant en Wallonie est actuellement de 29 000 euros. L’apport potentiel est donc de 5 %. En Wallonie, nous sommes actuellement à 80 % de la moyenne européenne. Soit on conserve cet écart, soit on l’améliore. Toutefois, si l’on ne fait rien, on risque de descendre à 75 % de la moyenne européenne.

En France, la 5G, perçue comme une technologie stratégique pour les entreprises, a été érigée comme l’un des cinq secteurs critiques du plan de relance pour l’industrie présenté par le Gouvernement dans le cadre de la crise liée à la pandémie de covid-19. Une entreprise qui ne pourra plus rester compétitive sans accès à la 5G risque de se délocaliser totalement ou partiellement vers un pays ou une région ayant déployé la 5G. Inversement, le territoire qui ne sera pas en mesure de proposer un accès à la 5G risque d’être pénalisé en matière d’attractivité, d’investisseurs étrangers, de centres de recherche ou d’institutions internationales. Nous avons de nombreux exemples d’entreprises qui considèrent aujourd’hui que la 5G est un facteur d’attractivité d’un territoire au même niveau que la compétitivité salariale, la mobilité, le climat social et autres.

Rappelons également que dans le cadre du Plan de relance et de résilience européen, les transitions verte et numérique sont considérées comme des priorités. En termes d’investissements, il y a un rapport coûts-bénéfices extrêmement favorable. Selon l’étude présentée ci-dessous, la modélisation indique qu’en tant que plateforme d’innovation ouverte, les réseaux 5G en France peuvent apporter 19,7 milliards d’euros de bénéfice pour un coût de 4,2 milliards d’euros ce qui équivaut à un ratio coût-bénéfice de 4,7.

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Le cluster Smart Rural présente le bénéfice net le plus important – 6,1 milliards d’euros – tandis que le cluster Smart Urban présente le rapport coût-bénéfice le plus élevé, soit 7, suivi du cluster Production intelligente avec un rapport coût-bénéfice de 5. Il est donc nécessaire et urgent de préparer les emplois de demain. Il est très probable que le dynamisme économique et la création d’emplois naîtront de la combinaison entre la 5G et les innovations technologiques qui se développeront dans son environnement ou que l’accroissement des capacités de connectivité induira.

Préparer les emplois de demain

On le voit, si beaucoup reste à faire pour réunir des conditions de croissance d’emplois, l’absence d’écosystème national ou régional lié à la 5G pourrait constituer un redoutable, voire un insurmontable handicap pour l’entrepreneuriat et le développement économique de la Wallonie et donc pour l’emploi.

Il faut créer l’environnement public d’intervention, notamment par la politique de formation, afin de générer un écosystème favorable à la maximisation des retombées sociales et économiques de la 5G. Prenons, par exemple, ce qui se fait en Flandre au niveau du campus 5G d’Hasselt où l’on retrouve, à la fois les start-ups, les entreprises et les universités. Investir dans l’innovation technologique, c’est donc maîtriser les usages et créer les emplois de demain. Pour pouvoir saisir les opportunités d’emplois offertes par la 5G, il faut adapter dès à présent les programmes de formation du FOREM, de l’IFAPME, des centres de compétences et bien sûr, remonter jusque dans l’enseignement secondaire en termes de compétences numériques afin d’accompagner les travailleurs et les demandeurs d’emploi dans leurs compétences digitales.

S’inscrire dans la transition environnementale

Il faut aussi s’inscrire dans la transition environnementale. Selon une étude publiée en octobre 2020 par l’Université de Zurich, l’efficacité énergétique accrue de la technologie 5G est l’une des raisons des économies de CO2 qui peuvent être réalisées. En 2030, le réseau 5G devrait produire 85 % environ d’émissions en moins par unité de données transportée, par rapport au réseau mobile actuel. D’autres réductions des émissions de gaz à effet de serre pourraient être obtenues grâce à de nouvelles technologies qui n’apparaîtront qu’avec l’expansion des réseaux 5G comme la conduite autonome ou les bâtiments intelligents.

Conclusion de l’étude: la diffusion de la technologie 5G a des avantages environnementaux. Les développements technologiques, s’ils sont correctement appliqués, contribuent grandement à réduire les émissions de CO2, car un réseau 5G favorise, voire rend possible d’autres technologies prometteuses qui, à leur tour, répondront aux besoins de la société et à l’impératif de durabilité.

Souvent, on ne parle que des effets rebond négatifs, mais il y a des effets rebond positifs. Dans le domaine du Smart Farming, dans la logistique, dans la flexibilisation des pratiques de travail, dans le manufacturing, etc. Quelques exemples : l’efficacité de la logistique pour réduire les émissions de carbone, la surveillance en temps réel de la qualité de l’air et des risques, la meilleure utilisation du temps et des matériaux conduisant à une réduction de la consommation d’énergie, la surveillance des processus et des équipements industriels qui permettent d’améliorer la durée de vie des équipements, la facilitation des chaînes d’approvisionnement en flux tendus, …

Contrairement aux idées reçues, la 5G est une des technologies qui permettra de répondre à l’enjeu climatique. La 5G est, en effet, « un instrument extrêmement efficace pour économiser l’énergie », comme l’a récemment rappelé M. Brégant, Directeur général de l’Agence française des fréquences.

L’impact environnemental du numérique est surtout lié aux usages vidéo

Comme le montre le graphique ci-dessous, l’impact environnemental du numérique est surtout lié à la vidéo. Selon cette étude de CISCO, environ 79 % à 80 % du trafic mondial des données mobiles sera constitué de vidéos d’ici 2022, alors que ce pourcentage de vidéos n’était que de 59 % en 2017.

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Proportionnellement, ce qui n’est pas de la vidéo passe de 41 à 21 %. La vidéo en ligne génère à elle seule 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit autant qu’un pays de la taille de l’Espagne. Dans toutes ces vidéos, on retrouve de tout : YouTube, la vidéo pornographique qui représente plus ou moins 20 %, le live streaming, tous les outils de visioconférence, Skype, Teams et autres, la vidéosurveillance, etc.

Les 21 % restant représentent les usages des citoyens pour leur messagerie, leur surf sur Internet, le commerce en ligne, et les usages des entreprises et organisations. Tout cela ne représente que 20 %. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, il ne faut pas accuser une technologie a priori parce que certains l’utilisent mal. Faut-il condamner une technologie parce que certains de ses usages ne seront pas maîtrisés par quelques consommateurs ? Tout est-il poison ? Non, le poison, c’est l’excès. On a donc besoin de responsabilité sociétale, de sensibiliser, d’informer et de former.

Le retard accumulé et l’urgence de se lancer

Nous rappelons ici le retard accumulé et l’urgence de se lancer, l’importance de lancer des proofs of concept (POC) pour tester la technologie et développer les usages. La France et la Flandre mènent déjà des projets pilotes sur leurs territoires, notamment au port d’Anvers, avec des retours d’ores et déjà très positifs qui ont été détaillés en annexe du rapport du groupe d’experts. En termes de normes, au-delà de cette étape du POC et afin de concrétiser tout le potentiel de la 5G, il conviendrait également de revoir les normes d’émissions actuellement en vigueur en Wallonie, dans le but de s’assurer d’une connectivité 5G optimale, afin de capter tout le potentiel économique, social et environnemental de cette technologie, mais aussi de pouvoir pleinement positionner la Wallonie favorablement dans le jeu de la concurrence.

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Face à cette question, il convient évidemment de tenir compte des enjeux sanitaires, en alignant la norme wallonne sur les recommandations internationales. L’ICNIRP, l’organisme en charge de ces aspects, recommande d’ailleurs lui-même d’importantes marges de sécurité, d’un facteur 50. Actuellement, la norme wallonne est plus de quatre fois plus contraignante en la matière. En ce sens, la Wallonie, et la Belgique d’une manière générale, applique une deuxième fois le principe de précaution. Par ailleurs, la compétence relevant des Régions, il existe aujourd’hui en Belgique trois normes différentes, participant de la sorte à complexifier le cadre régulatoire et ne favorisant pas un environnement favorable aux investissements. Pour rappel, il est à souligner que par rapport aux normes européennes, la majorité des pays n’ont pas modifié leurs normes par rapport à la précaution de l’ICNIRP. Seuls trois pays ont décidé, au niveau de l’Europe, d’un abattement de la norme en tout lieu accessible. Il s’agit de la Belgique, de la Lituanie et de l’Europe. Nos trois voisins, la France, les Pays-Bas et l’Allemagne n’ont pas modifié les normes initiales de l’ICNIRP. Afin d’offrir un cadre réglementaire, fondé sur des données scientifiques établies, de s’assurer du principe de précaution et en s’assurant du maintien de la compétitivité de la Wallonie, un alignement pur et simple sur les recommandations internationales pourrait apparaître comme la position la plus équilibrée.

Le développement de la 5G répond à plusieurs enjeux de politique publique

En termes de communication, afin d’assurer la parfaite transparence sur la technologie et tenir compte des questionnements exprimés aujourd’hui par une partie de la population, il est indispensable et nécessaire que les autorités politiques communiquent davantage et de façon objective sur la 5G.

La concrétisation du potentiel de la 5G ne peut en effet se faire qu’en se basant sur la compréhension et une légitimité forte de la technologie de la part des entreprises et des citoyens. En ce sens, la mise en place d’une plateforme de connaissance et d’apprentissage, en collaboration avec le SPF Santé publique, Sciensano et d’autres partenaires, telle qu’elle a été annoncée le 22 janvier 2021, semble aller dans la bonne direction. La Wallonie devrait contribuer activement au bon fonctionnement de cette initiative.

Nous pensons aussi qu’en termes de suivi, de vérification, nous devrions nous servir de ce qui existe déjà, que ce soit en termes de connaissances ou de structure, comme par exemple au travers de l’Autorité de Protection des Données (APD) fédérale. Le retard accumulé en Wallonie implique l’urgence de se lancer. La Commission européenne positionne la 5G en tant que catalyseur de la transformation de son économie et presse les pays de l’Union européenne à emboîter le pas.

Comme on l’a vu ci-dessous, vingt-quatre pays européens ont initié les premières offres commerciales et de nombreuses initiatives sont prises en la matière au niveau mondial. La Flandre mène déjà des POC sur son territoire et Bruxelles a adopté une roadmap de travail sur la 5G. La Wallonie a donc déjà un train de retard.

Dans une logique de concurrence des territoires, une absence de déploiement peut avoir des effets dévastateurs sur l’attractivité, donc empêcher des déploiements d’entreprises, voire des délocalisations. Ainsi que le soulignait l’OCDE en 2019, «l’ampleur des avantages de la 5G dépendra en fin de compte de la vitesse de déploiement de la 5G, de la rapidité de son adoption et de l’adaptation des cadres réglementaires et institutionnels à ses évolutions ». C’est dire l’importance que prendra le calendrier dans la réalité concrète des effets attendus de ce déploiement.

En guise de conclusion, rappelons que le développement de la 5G répond à plusieurs enjeux de politique publique :

  • garantir la qualité de services des citoyens, des services publics et des entreprises en données mobiles dans un contexte de saturation de la 4G ;
  • maintenir voire augmenter la compétitivité de nos entreprises ;
  • conserver l’attractivité de la Région, tant en termes d’investissements endogènes qu’exogènes ;
  • saisir l’opportunité d’être à l’avant-garde en matière de R&D en favorisant l’innovation ouverte et la collaboration au sein d’un écosystème économique régional regroupant les universités, les centres de recherche, les villes, les communes, les start-ups, les PME et les grandes entreprises afin de mettre au point et de tester des applications exploitant la 5G.

En conclusion, la 5G est bien pour nous une « general purpose technology« , c’est-à-dire une technologie à fort levier sur l’ensemble des territoires et des secteurs. La 5G est en marche. Il revient maintenant à la Wallonie de prendre son destin en main et de définir quel rôle elle entend faire jouer à son économie dans le monde de demain. Pour les entrepreneurs, en tout cas, le choix est clair : la 5G, c’est maintenant !

A propos de l'auteur

Lisa LOMBARDI

Senior Advisor Entrepreneuriat | PME | Numérique